L’écriture du scénario (1/4) : le dialogue, méthode d’analyse

You are currently viewing L’écriture du scénario (1/4) : le dialogue, méthode d’analyse
Camille Orgel on Unsplash

Cette ressource fait partie du dossier « L’écriture du scénario ». Elle a pour but de donner certaines des caractéristiques essentielles du dialogue au cinéma ainsi que quelques-unes des règles sous-tendant son élaboration.

Le dialogue

Qui se souvient par cœur de certains dialogues de films ? Entre ceux d’Audiard dans Les Tontons flingueurs et la formule « Je suis ton père » dans Star Wars, quelles sont les fonctions premières du dialogue dans un scénario ? Quelle place lui accorder et pourquoi ? S’interroger sur les enjeux cinématographiques du dialogue permet de saisir son importance et sa visée.

Au cinéma, c’est souvent la « parole-théâtre » (Michel Chion) qui domine. C’est-à-dire que le dialogue possède une fonction dramatique, psychologique, informative et affective. Les conversations sont inscrites dans un temps et un espace circonscrits qui déterminent leur dynamisme et les scénaristes usent de règles et de techniques très précises (et souvent systématiques) pour composer des dialogues.

Écrire un dialogue : quelques règles

« Le dialogue possède souvent deux tendances qui se combinent différemment selon les enjeux. » (John Trudy).

On distinguera ainsi :

  • le dialogue narratif : il développe l’intrigue principale ; souvent structuré à partir d’une question contrecarrée par l’interlocuteur, le dialogue évolue sur un mode conflictuel jusqu’à une résolution apaisée ou une relance de la tension dramatique ;
  • le dialogue moral : il apporte profondeur et complexité au propos ; cette dimension permet de constater l’attitude des personnages face aux événements ; les principes de l’argumentation entrent alors en jeu et développent la richesse des échanges et des arguments (directs ou non).

Ces deux approches peuvent se mêler et faire comprendre au spectateur ce que font les personnages mais aussi ce qu’ils sont. En partant d’un sujet de l’intrigue, on progresse vers la qualification morale de personnages qui incarnent souvent les points de vue divergents d’une même situation.

Pour fluidifier les échanges et leur faire conserver leur unité thématique, les dialoguistes usent d’un champ lexical restreint, avec une série de mots-clés qui reviennent à la manière d’un leitmotiv musical. La répétition est donc au cœur de l’écriture du dialogue, et tout le talent des auteurs consiste à rendre naturels et vraisemblables des échanges impossibles dans la vraie vie. De même, le mode interrogatif est souvent privilégié afin de donner un maximum d’informations dans les échanges. Dès lors, tout comme au théâtre, on constate l’usage fréquent de la notion de « double énonciation » : fréquemment, les personnages échangent des informations qu’ils connaissent déjà (destinées en réalité au spectateur).

Enfin, l’environnement sonore est aussi une composante fondamentale pour analyser un dialogue. Comment sont mixées les voix par rapport au son d’ambiance ? Un bruit vient-il distraire la conversation ? Les voix sont-elles réverbérées ? Quelle place est donnée à la musique ? La parole est souvent prise dans un entrelacs de sons qui la dramatisent et il s’agit de questionner l’intégralité de la bande-son quand on analyse une séquence dialoguée.

L’AUTEUR
Alban Jamin est enseignant de cinéma. Il est rattaché à la Délégation académique arts et culture (DAAC) de l’académie de Lyon. Il coordonne le Pôle de ressources pour l’éducation artistique et culturelle « Cinéma » (PREAC Cinéma).