Comment animer une analyse chorale ? (3/6) : L’éthique : du jugement vers une pratique de l’étonnement

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Cette ressource fait partie de la piste pédagogique “Comment animer une analyse chorale ?”

3. L’éthique : du jugement vers une pratique de l’étonnement

La pratique de l’analyse chorale qui s’appuie sur la circulation libre de la parole ne fonde sa règle du jeu que sur un seul interdit : le jugement.  

Il existe deux formes de jugement que chaque spectateur formule de façon spontanée à la fin de toute représentation, le jugement de goût (« J’aime »-« j’aime pas ») et le jugement de qualité ou de valeur (« ce spectacle est bon/très bon/mauvais/très mauvais etc… »)  

La suspension de ces deux formes de jugement est un exercice intellectuel accessible à tous qui contraint momentanément le spectateur à supprimer ce raccourci qui le place en consommateur « juge » pour éveiller une autre fonction cérébrale, celle de l’étonnement.  

Pour comprendre le principe de l’étonnement l’ANRAT1 utilise une image très éclairante : l’étonnement qui frappe le physicien Isaac Newton lorsqu’il observe une pomme tomber de son pommier. C’est de cette observation que naît la loi physique de la gravité. Eloigné de la notion d’émerveillement, l’étonnement revient à épurer son regard des représentations sociales et culturelles acquises ; il permet également de contourner certaines injonctions ou postures clivantes ou un grand nombre de raccourcis d’opinion très actifs dans la création contemporaine (la question du nu ; l’emprise de la vidéo ou des nouvelles technologies ; l’opposition texte/image etc). Cette mise à nue du regard ouvre le champ à des analyses déduites de l’observation, donc plus affutées et plus humbles.  

La suspension du jugement supprime également la dimension dialectique de l’analyse. Le sens se construit par l’addition positive de remarques et d’interprétations qui peuvent être contradictoires mais qui ne peuvent s’appuyer sur des désaccords d’opinions. En ce sens, l’analyse chorale est le contraire de l’exercice rhétorique de la Dispute où celui qui l’emporte sera celui qui aura affirmé le plus vivement son jugement. L’un des rôles les plus importants de l’animateur sera donc de veiller à ce que chaque formulation de spectateur soit épurée de l’expression d’un jugement personnel. Le cas échéant il pourra accompagner le spectateur vers une reformulation ou l’inviter à repartir de la formule : « ce qui m’a étonné c’est… » ou bien « cela m’a fait penser à…» 

1 Pour la définition de l’étonnement par la métaphore de la pomme de Newton, voir l’article de Yannick Mancel : https://res.cloudinary.com/dgu2by95h/image/upload/v1490609068/bxnlujp8aznk7dcudaoz.pdf