Cette ressource fait partie de la piste pédagogique “Comment animer une analyse chorale ?”
4. Le rôle de l’animateur ou la posture du maître ignorant
- Éthique de l’animateur
L’animateur est le garant des principes éthiques de l’analyse chorale. A la façon d’un maïeuticien, sa mission est de faire émerger les grands enjeux herméneutiques et esthétiques d’un spectacle en recueillant les observations, analyses et perceptions de l’ensemble des participants. Ses deux principales qualités sont donc l’écoute et la circulation de la parole. Il est au service du groupe, de son éveil collectif et individuel pour le guider vers une compréhension augmentée du spectacle, c’est-à-dire une compréhension qu’un individu, par son seul point de vue, n’aurait peut-être pas réussi seul à construire. A la façon du maître ignorant développé par Jacques Rancière, il prend la posture à priori de « celui qui ne sait pas ». Si le groupe n’est pas « dupe » qu’il est détenteur d’un certain savoir, l’éthique de l’animateur appuie sa légitimité non sur un apriori d’autorité savante mais sur la reconnaissance symbolique d’une confiance accordée à chacun. « Car il s’agit d’oser s’aventurer et non pas d’apprendre plus ou moins bien ou plus moins vite. »
Quelques règles éthiques de l’animateur :
– Affirmer et soutenir la valeur polysémique des signes artistiques et l’absence de vérité esthétique.
– Faire reconnaître la singularité et l’importance autant que la relativité de chaque point de vue dans la construction collective des significations.
– Accueillir et réguler les échanges sans juger ni refuser la parole reçue. L’animateur ne peut réfuter une prise de parole sauf si elle contient un jugement. Dans ce cas il peut demander une reformulation ou une reprécisions du propos.
– Veiller à faire respecter le principe de la suspension du jugement. L’animateur précise que cette règle s’applique également à lui-même.
- Démarche de l’animateur
Écouter, reformuler, comparer, centraliser, synthétiser, ouvrir des passerelles culturelles ou théoriques, relancer pour élargir les significations, relancer la parole, telles sont les grands verbes actifs qui structurent la prise de parole de l’animateur. Car il n’intervient pas comme un connaisseur qui sait déjà toutes les réponses mais comme un partenaire garant de la reconnaissance de la capacité de chacun. Enfin, par ce principe, il sait qu’il est aussi en train d’apprendre et que les réponses de l’autre sont de nouvelles questions pour lui. La parole circule parmi tous et non pas dans une seule direction.
D’un animateur à l’autre, le temps de prise de parole est tout à fait variable. L’essentiel est que chacun doit se prémunir de tout didactisme ou de zèle savant. La réussite d’une analyse chorale repose sur la capacité de l’animateur à faire entrer en résonance les interventions de chaque spectateur. Il peut ménager des synthèses, reformuler des enjeux esthétiques, ouvrir vers des références culturelles ou théoriques à la condition que ces références arrivent de façon naturelle, c’est-à-dire consenties pas tous.
2 Jacques Rancière, Le maître ignorant, Paris, Fayard, 1987, 10/18 p.48 https://www.fayard.fr/sciences-humaines/le-maitre-ignorant-9782213019253