Les effets spéciaux (1/4) : Georges Méliès, à l’origine des effets spéciaux au cinéma

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Georges Méliès, « Un Homme de tête », 1898

Cette ressource fait partie du dossier Effets spéciaux : de Méliès à Gravity. Elle est extraite de la conférence de Réjane Hamus-Vallée et propose de découvrir la naissance et l’évolution des effets spéciaux au cinéma, en particulier à travers l’œuvre de Georges Méliès, expérimentateur infatigable.  

En mars 2019, lors du PREAC Cinéma, nous avons invité Réjane Hamus-Vallée. Maîtresse de conférences à l’université d’Évry-Val-d’Essonne/Paris-Saclay, Centre Pierre-Naville, elle dirige le master « Image et société ». Ses travaux portent sur les effets spéciaux, les nouvelles technologies de l’image, les métiers du cinéma et de l’audiovisuel ainsi que sur la sociologie visuelle et filmique. À l’occasion de sa conférence à l’Institut Lumière de Lyon, elle a abordé l’origine des effets spéciaux à travers l’œuvre de Georges Méliès.

La recherche d’effets spéciaux a préoccupé le cinéma depuis ses origines.


Dès 1895, certaines vues du kinétoscope de l’américain Thomas Edison usent d’effets. Mais c’est le Français Georges Méliès, expérimentateur génial, qui sera le fondateur des effets visuels cinématographiques.

Avant Méliès : Thomas Edison

Le premier effet cinématographique recensé se trouve dans une vue américaine pour le kinétoscope d’Edison.

La décapitation est réalisée à l’aide d’un arrêt de caméra et provoque l’effet quasi invisible de la substitution de la véritable tête par une tête factice. La démarche est typique des productions américaines de l’époque qui utilisent souvent des effets spéciaux pour perfectionner l’illusion de réel.

Un cinéaste-illusionniste : Georges Méliès

Méliès débute le tournage de ses films en 1896. Prestidigitateur professionnel, il dirige le regard et élabore des tours créés à partir d’un point de vue supposé du spectateur. Il ne veut pas que l’on voie le défaut technique de l’effet et travaille donc la notion de misdirection : il s’agit de détourner l’attention du spectateur en la concentrant sur un détail du plan, procédé qui permet de travailler sur « le truc ». Dans ce film, le journal sur le sol est là pour guider l’attention et éviter de regarder les liserés blancs créés par le collage des plans en haut du cadre.

L’hybridation des techniques

Méliès use d’un principe d’hybridation des techniques. Par exemple, dans Le Voyage dans la Lune (1902), la destruction des Sélénites est due à des arrêts de caméras associés à des effets pyrotechniques qui masquent l’arrêt. On retrouve aussi chez lui l’influence du théâtre (maquillages et décors) et de la photographie (usage de caches et de contre-caches).

Ce trucage spectaculaire est à base de surimpressions sur fond noir. Le principe consiste à compter le nombre de tours de manivelle pour ensuite rembobiner et ré-impressionner la pellicule une seconde ou troisième fois. Les surimpressions se font sur des zones noires. En effet, sur la pellicule, les pigments ne réagissent qu’à la lumière, donc tout ce qui est noir reste vierge tant qu’on ne développe pas la pellicule. Il faut donc prévoir une zone noire pour pouvoir y incruster une seconde prise de vue. C’est le principe du compositing (déjà fréquent au milieu du XIXe siècle en photographie, ce qui permettait le dédoublement d’un personnage par exemple).

La spécificité du médium cinématographique

Durant cette période d’expérimentation, Méliès comprend que la caméra transforme ce qu’elle filme et qu’un créateur d’effets doit savoir que la mise en scène, alliée à l’illusion créée par la caméra, génère un sentiment de réel à l’écran.

La pellicule de l’époque échoue à enregistrer et reproduire l’eau qui coule. Méliès utilise alors du sable qui retranscrira davantage l’aspect liquide. Le cinéma impose donc ses propres textures pour atteindre l’illusion de réalité requise.

Méliès n’invente pas les techniques, mais plutôt les questionnements esthétiques propres au médium cinématographique. Comment produire des illusions au cinéma ? Comment guider le regard du spectateur ? Toutes ces questions restent d’actualité même si les techniques ont évolué.

La question du scénario

Lorsqu’il a débuté, Méliès partait d’une idée de « truc » puis il inventait une petite histoire, à la manière du « théâtre des attractions » avec l’usage d’un « clou » (un effet).

Méliès avait une métaphore culinaire pour parler de la création d’un film. Pour lui, le film était comme un plat de poisson : entre le poisson et sa sauce, c’est une question de dosage. Il existe donc deux types de films : le « poisson-truc » tout d’abord, accompagné d’une petite sauce (le scénario), puis, durant les années 20, le scénario qui prime avec des effets spéciaux ponctuels et constitue désormais une nouvelle norme.

L’autonomie et la faible productivité de Méliès ne seront plus viables face à l’industrialisation massive du cinéma. En 1914, il cessera de tourner face à la standardisation et la spécialisation des métiers du cinéma.

L’AUTEUR
Alban Jamin est enseignant en lettres modernes et cinéma. Il est rattaché à la Délégation académique arts et culture de l’académie de Lyon (DAAC). Il coordonne le Pôle de ressources pour l’éducation artistique et culturelle Cinéma (PREAC Cinéma).